Voici neuf cents ans que la tapisserie de Bayeux, ouvrage riche en détails exquis, en réjouissante verdeur, en noble tragédie, immortalise la gloire de la conquête de l'Angleterre par les Normands en 1066. Les épisodes célèbres de la bataille de Hastings, de la mort du roi Harold et de la domination de Guillaume, duc de Normandie, sont tissés à tout jamais dans cette tapisserie - et dans l'histoire de l'Angleterre. Mais, demande l'historien Andrew Bridgeford, faut-il se fier aux apparences? Dans cette révision, qui fera date, d'un chapitre crucial de l'histoire anglaise, il nous montre comment, au nez et à la barbe des Normands, le point de vue des vaincus anglo-saxons fut ingénieusement glissé, sous une forme codée, entre les fils de l'ouvrage. Un comte français, personnage énigmatique, se trouve au centre de ce récit passionnant, peuplé d'évêques guerriers ambitieux, de chevaliers impitoyables et de femmes puissantes, où se côtoient l'apparat, le courage et la tromperie et où rien n'est jamais aussi simple qu'on pourrait le croire de prime abord. Sous le ciel de lin gris, l'immense armada arrive à présent à portée de vue des rivages du Sussex. De quelle terreur elle dut emplir les coeurs de ceux qui la virent approcher: d'abord quelques vagues points éparpillés à l'horizon, puis d'autres points et d'autres encore jusqu'à ce qu'on put les compter par centaines et les voir prendre peu à peu la forme de navires de guerre, vision terrifiante qui ne cessait de se rapprocher, le métal des épées et des boucliers lançant des éclairs, ici et là, sous la lumière oblique du matin. A l'intérieur des navires, l'armée ne songeait qu'à cette mission que les Anglais redoutaient depuis si longtemps et ils arrivaient trois semaines seulement après que Harold eut ordonné à ses propres hommes de rentrer chez eux.