Restituer Emma et Charles Bovary, le pharmacien Homais, l'abbé Bournisien, le clerc de notaire Léon, le voiturier Hivert et le séducteur Rodolphe dans le décor et le climat normands, telle était l'entreprise d'André Guérin. Si, vers 1847, les bourgeois mènent le jeu et donnent le ton, il existe en Normandie d'autres habitants. Ils ne votent pas (le cens électoral les prive de ce droit) parce qu'ils sont pauvres, mais ils cultivent le colza et le sarrasin, traient les vaches, barattent le beurre - ou s'en vont à Terre- Neuve sept mois de l'année pêcher la morue. Ces Normands ont pour lot de vivre dans des taudis, aussi mal que les ouvriers des tissages de coton. Avec les seules consolations de la religion. C'est la Normandie des dernières diligences et des premiers chemins de fer, la Normandie des anciens Chouans plus ou moins ralliés et des manifestations commençantes d'un prolétariat urbain mal payé, misérable. Normand de naissance et de toutes ascendances, André Guérin s'est consacré au journalisme dès sa sortie de la rue d'Ulm, en 1922. Il a notamment été directeur politique du quotidien L'Aurore et, en 1975, il s'est vu décerner le Prix européen de journalisme. Philosophe de formation, mais attiré par le récit historique, il a naturellement été tenté par un sujet comme la vie quotidienne en Normandie à la fin du règne de Louis-Philippe.